La perte brutale de la jeune sœur suscite une absence insupportable que la création n’a que provisoirement comblée.
Traumatisé, c’est par le travail de la terre qu’il se libère peu à peu de l’étreinte de la douleur.
Par cette activité (un vrai rituel d’exorcisation), il reprend racine au monde.
Toutes les œuvres de cette période sont empreintes de ce combat sacré qui s’achève avec la rencontre de sa femme et mère de son enfant.
En premier lieu, il nous appartient de rappeler le drame familial qui le frappe à travers la disparition tragique de la sœur bien aimée. Cette jeunesse fauchée, la brutalité conjointe de cette mort a entraîné l’artiste durant quelques années sur un chemin de croix dont la création artistique, loin d’être un exutoire facile a été plutôt l’espace d’une survie hypothétique. Ce temps de la douleur s’est dévoilé par toute une série de créations dont les thèmes de prédilection se sont orientés autour de la mort, de la souffrance, de la vieillesse, de la misère humaine et de la pauvreté.
Cette vie trop tôt fauchée et déracinée a donné lieu à tout un travail sur le thème de la racine voire de l’enracinement. C’est la période douloureuse de l’appel de la terre pour l’artiste, à travers elle, il convoite le dernier linceul, celui de l’éternité. De ce combat démesuré contre l’absurdité de la mort, il nous livre des corps déchirés, décharnés, des corps enchevêtrés. Face à la tragédie, les corps sont décomposés comme dans une tentation cubiste, les visages marqués par la souffrance hurlent le désespoir de la perte et de l’absente. Parfois, dans la quête nécessaire d’apaisement, les visages sont livides et les yeux clos. Les bouches sont béantes et les chairs démultipliées. C’est à ce moment qu’il réalise toute une série de créations dont les noms sont révélateurs et témoignent de cette douleur viscérale : Tourmenté, Tragédie … Et pourtant ce combat qu’il livre seul contre la terre, il n’est déjà plus loin de le gagner car tel un Phénix qui renaît de ses cendres, il annonce déjà les fruits de la résurrection. D’abord par sa rencontre avec celle qui va devenir sa femme Françoise et qui lui ouvre les voies méconnues de la vie en couple ensuite car cette union est marquée par l’arrivée tellement attendue d’un enfant. C’est au sein de son couple qu’il trouve enfin la sérénité et une forme de stabilité. Dans cet élan créateur du couple et dans une forme de couronnement, il bâti son atelier qui devient un omphallos1 qui le rattache à la matière dont il va peu à peu se nourrir pour faire de lui le créateur que nous connaissons aujourd’hui.
C’est ainsi que ce temps de la douleur trouve enfin son achèvement. Le foyer de l’artiste, à présent éclairé de cette nouvelle lumière devient l’espace privilégié dans lequel il s’ouvre à une temporalité plus intime, plus secrète, plus personnelle : celle de la naissance. C’est le temps nouveau de l’apaisement qui enterre la violence des formes, les cassures, les débordements, les enchevêtrements. L’artiste ne songe plus qu’aux racines du ciel.
1 Omphallos: nombril en grec